It is clear, my son, that my arrival makes you uneasy and that you would only be too
glad to forego my presence. To tell you the truth, each of us has always disturbed
the other, and if you are tired of seeing me, I am equally sick of the life you are
leading. Alas! How ignorant we are when we do not leave our needs to the care of
Heaven, and, deeming ourselves wiser than it, importune it with our rash wishes and
demands! I had prayed for a son of unparalleled passion, never abating my fervent
pleas, and the son that I obtained by fatiguing Heaven with my vows, though I had
hoped him to be my joy and consolation, has turned out in the event to be the chagrin
and torment of my life. With what eye, in your opinion, do you think I can see your
mounting heap of lowly actions, whose ill face, in the eyes of the world, can scarcely
be softened; this continuous suite of sordid affairs, which reduces our esteem at
all hours, tires the bounty of the King, and has vitiated in his eyes both the merit
of my services and the credit of my friends? Ah! Such baseness! Don't you blush
to have so little merited your birth? Have you any right to draw from it the least
bit of vanity? What have you done in the world to let yourself be called a gentleman?
Do you believe it suffices to carry a name and arms, or that there is any glory in
having sprung from noble blood while living in infamy? No, no! Birth is nothing
without virtue. We have no part of our ancestors' glory except as we emulate them;
and the luster cast on us by their actions imposes on us the duty to render them the
same honor, to follow the steps they have traced, and to cleave, not degenerate, from
their virtues, if we would be deemed their true descendants. Thus you have descended
in vain from the ancestors who bore you; they disavow you as being of their blood,
and all their illustrious accomplishments give you no advantage; on the contrary,
their renown does not reflect on you except to your dishonor, and the glory of their
torch only lights for the eyes of all the world the shame of your actions. Learn
that a gentleman who lives in evil habits is a monster of nature, that virtue is the
first title of nobility, and that I consider far less the name that one signs than
the actions one has done, and that I would prefer to be the son of a weaver who was
an honorable man, than the son of a monarch who lives as you do.
DON JUAN
Perhaps if you were seated, Sir, you might speak more eloquently on the subject.
DON LOUIS
No, malapert, I do not wish to sit, or even speak any more, and it is clear that all
my words have not the least effect on your soul. But know, unworthy son, that your
actions have pushed paternal tenderness to the limit, and I will, sooner than you
think, bring a term to your degeneracy, I will pre-empt the wrath of Heaven as concerns
you, and by your punishment I will wash away the shame of having brought you into
the world.
He leaves.
SCÈNE VI.
DON LOUIS, DON JUAN, SGANARELLE.
DON LOUIS
Je vois bien que je vous embarrasse, et que vous vous passeriez fort
aisément de ma venue. A dire vrai, nous nous incommodons étrangement
l'un l'autre, et, si vous êtes las de me voir, je suis bien las aussi
de vos déportemens. Hélas! que nous savons peu ce que nous faisons
quand nous ne laissons pas au ciel le soin des choses qu'il nous faut,
quand nous voulons être plus avisés que lui, et que nous venons à
l'importuner par nos souhaits aveugles et nos demandes inconsidérées!
J'ai souhaité un fils avec des ardeurs non pareilles; je l'ai demandé
sans relâche avec des transports incroyables; et ce fils, que j'obtiens
en fatiguant le ciel de vœux, est le chagrin et le supplice de cette
vie même dont je croyois qu'il devoit être la joie et la consolation.
De quel œil, à votre avis, pensez-vous que je puisse voir cet amas
d'actions indignes, dont on a peine, aux yeux du monde, d'adoucir le
mauvais visage; cette suite continuelle de méchantes affaires, qui
nous réduisent à toute heure à lasser les bontés du souverain, et qui
ont épuisé auprès de lui le mérite de mes services et le crédit de
mes amis? Ah! quelle bassesse est la vôtre? Ne rougissez-vous point
de mériter si peu votre naissance? Êtes-vous en droit, dites-moi,
d'en tirer quelque vanité, et qu'avez-vous fait, dans le monde, pour
être gentilhomme? Croyez-vous qu'il suffise d'en porter le nom et les
armes, et que ce nous soit une gloire d'être sortis d'un sang noble,
lorsque nous vivons en infâmes? Non, non, la naissance n'est rien où la
vertu n'est pas. Aussi nous n'avons part à la gloire de nos ancêtres
qu'autant que nous nous efforçons de leur ressembler; et cet éclat de
leurs actions qu'ils répandent sur nous nous impose un engagement de
leur faire le même honneur, de suivre les pas qu'ils nous tracent, et
de ne point dégénérer de leur vertu, si nous voulons être estimés leurs
véritables descendans. Ainsi vous descendez en vain des aïeux dont vous
êtes né; ils vous désavouent pour leur sang, et tout ce qu'ils ont
fait d'illustre ne vous donne aucun avantage; au contraire, l'éclat
n'en rejaillit sur vous qu'à votre déshonneur, et leur gloire est un
flambeau qui éclaire aux yeux d'un chacun la honte de vos actions.
Apprenez enfin qu'un gentilhomme qui vit mal est un monstre dans la
nature; que la vertu est le premier titre de noblesse; que je regarde
bien moins au nom qu'on signe qu'aux actions qu'on fait, et que je
ferois plus d'état du fils d'un crocheteur qui seroit honnête homme que
du fils d'un monarque qui vivroit comme vous!
DON JUAN
Monsieur, si vous étiez assis, vous en seriez mieux pour parler.
DON LOUIS
Non, insolent, je ne veux point m'asseoir ni parler davantage, et je
vois bien que toutes mes paroles ne font rien sur ton âme; mais sache,
fils indigne, que la tendresse paternelle est poussée à bout par tes
actions; que je saurai, plus tôt que tu ne penses, mettre une borne à
tes déréglemens, prévenir sur toi le courroux du ciel, et laver, par ta
punition, la honte de t'avoir fait naître.